Baromètre de satisfaction : comment se prémunir contre la stabilité chronique des résultats ?

La plupart des marques soucieuses du bien-être de leurs clients, réalisent aujourd’hui des enquêtes de satisfaction. Hélas, beaucoup d’entre elles rencontrent la même difficulté : comment interpréter la stabilité chronique des résultats ? Cette stabilité persistante (souvent démotivante pour les collaborateurs) est-elle naturelle et inévitable ou provient-elle d’une défaillance méthodologique ? Que peut-on faire pour y remédier ?
 
Pierre MOLINA fondateur de la solution d’enquête Webfeeling nous expose lors d’un entretien, son point de vue d’expert et propose des solutions.
 
Bonjour Pierre MOLINA.
 
Vous êtes fondateur de l’Institut d’études HERALIS Marketing et propriétaire de la solution de feedback management Webfeeling.
Depuis plus de 20 ans vous réalisez des études de satisfaction et êtes un observateur attentif des difficultés que les marques rencontrent lors de l’exploitation des résultats de leurs enquêtes.
 
Aujourd’hui, vous souhaitez aborder l’obstacle que vous appelez « stabilité chronique des résultats barométriques », très souvent rapporté par les responsables des études chargés de l’animation de leurs enquêtes de satisfaction.
Pouvez-vous nous en dire plus ?

 
Avant tout, il est bon de remettre dans le contexte cette sorte de « maladie » qui touche de nombreuses enquêtes de satisfaction, à savoir la « stabilité chronique des résultats ».
 
Le pitch est simple.
Très heureux(se) de pouvoir enfin se lancer dans la mesure de la satisfaction de sa clientèle, un(e) responsable des études (ou de l’expérience client), décide de mettre en place une enquête de satisfaction barométrique qui devra interroger ses clients chaque mois.
Plein(e) d’entrain, le ou la responsable conçoit et lance son enquête en quelques jours. Rédaction et programmation du questionnaire sur Internet, envoi par email des invitations auprès de la clientèle, édition et analyse des résultats.
Bref, tout est rondement mené. Les premiers résultats sont présentés, les leviers de progrès sont identifiés, des actions correctives sont alors immédiatement entreprises.
Les opérationnels sont maintenant dans l’attente d’une évolution significative des indicateurs (Satisfaction globale, note de recommandation et toutes sortes de questions de satisfaction évaluant le parcours d’achat et l’expérience des clients).
 
Mais au bout de quelques mois, l’euphorie des premiers résultats laisse place à la routine. Les indicateurs ont tout d’abord évolué positivement, puis, malgré les efforts entrepris par la marque, stagnés d’une vague d’enquête à l’autre. Peu à peu, la stabilisation des indicateurs démobilise les collaborateurs qui prétendent, avec raison, connaitre à l’avance les résultats. Plus de surprise, plus de progrès…

Le cas que vous décrivez est d’après votre expérience assez courant ?
 
Oui, absolument, mais il n’y a pas de fatalité.

Alors d’où provient cette stagnation des résultats et comment pouvez-vous nous l’expliquer ?
 
Soyons concret et prenons l’exemple d’un réseau de magasins. L’objectif de l’enquête est d’améliorer la prestation : accueil, vendeur, parcours client.
 
La stagnation des résultats peut provenir de difficultés méthodologiques sur l’enquête de satisfaction, ou encore de problèmes de management interne. C’est le premier point qui nous intéresse ici.
 
Pour commencer, il faut souligner qu’un baromètre doit vivre, c’est-à-dire être renouvelé et remis en cause régulièrement dans l’entreprise. On a trop entendu pendant des décennies que « rien ne devait bouger dans un baromètre de satisfaction » au risque de ne plus pouvoir comparer les évolutions des résultats.
 
Pour ma part, je ne suis pas loin de penser le contraire. Il est préférable de remettre en cause un questionnaire barométrique tous les deux ans, que de se voir condamné à une stagnation des indicateurs à perpétuité.
Le monde bouge, l’exigence des clients s’accroit, les marchés évoluent sans cesse, les mentalités également.
Face à ce mouvement perpétuel, nous aurions l’audace de penser que notre questionnaire ne doit pas bouger, et que, malgré cette stagnation volontaire, les mesures de nos indicateurs resteront exactes d’une année sur l’autre. Je ne le pense pas, et d’ailleurs, les marques qui s’obstinent à ne pas faire évoluer leurs enquêtes de satisfaction, sont pour la plupart victimes du phénomène dont nous parlons.

Parfait, mais vous ne répondez pas directement à ma question, à savoir, d’où provient la stagnation des résultats au bout de quelques vagues d’enquête ?

Je vais y répondre, mais il était important dans un premier temps de pouvoir souligner qu’un questionnaire barométrique devrait évoluer, car, sans renouvèlement on ne peut remédier au problème.
 
Alors revenons à votre question, c’est-à-dire l’origine de la stagnation des résultats.
Chaque questionnaire a son propre potentiel de mesure. Ce potentiel est fonction de sa capacité à décrire correctement les étapes du parcours d’achat, et de sa capacité à mesurer objectivement la perception qu’a le client de son expérience lors de sa visite dans un magasin (pour reprendre notre exemple).
 
Ce potentiel atteint son maximum si le volume d’enquêtes recueillies est suffisant pour valider des résultats statistiques robustes. Une fois ce volume d’enquêtes atteint (et les actions correctives visant à améliorer la qualité de la prestation des magasins effectuées), les indicateurs se stabilisent lors des vagues d’enquêtes suivantes, pour ne plus évoluer à la hausse si rien n’est fait. Le potentiel de votre questionnaire a alors atteint son maximum.
 
Donc pour répondre à votre question, la principale cause de stagnation des résultats c’est le faible potentiel d’un questionnaire c’est à dire son incapacité à rendre compte de la réalité (souvent complexe).
Par conséquent, on peut supposer que votre questionnaire a atteint son maximum de potentiel d’évaluation, ou ses limites (pour le dire autrement), lorsque que les indicateurs cessent d’évoluer durant deux années consécutives.
 
Pouvez-vous nous préciser ce que veut dire « atteindre ses limites » pour un questionnaire ?
 
Un questionnaire c’est un peu comme des jumelles ou un télescope. Plus l’outil est sophistiqué et plus il voit les détails avec précision.
Soyons un peu poète ! Si vous regardez une nuit d’été un ciel étoilé avec des jumelles, vous aurez la chance de voir 100 ou 200 étoiles. Equipez-vous maintenant d’un télescope et comparez le résultat, vous en verrez maintenant 1000 ou 2000.
 
Pour un questionnaire c’est un peu pareil. La puissance du télescope c’est le degré de sophistication de votre questionnaire, c’est-à-dire le choix des questions, la qualité de leur formulation, l’exhaustivité des thèmes abordés, la pertinence des échelles de satisfaction ou la présence de questions ouvertes.
 
Le savoir-faire pour rédiger un questionnaire est donc au centre du phénomène constaté de stabilité chronique des résultats. La puissance de votre télescope peut être aussi comparée à la pertinence de votre questionnaire, c’est-à-dire (comme nous l’avons déjà mentionné), à sa capacité à rendre compte de la réalité objective du parcours d’achat et de l’expérience des clients lors d’une visite dans un magasin.
 
Un questionnaire peu abouti, qui ne comporte que, par exemple, 4 ou 5 questions de satisfaction et une satisfaction globale (ce que nous rencontrons vous et moi fréquemment quand nous sommes sollicités par les marques), a toute les chances de moyenner ou lisser les ressentis des clients.

Que voulez-vous dire par lisser les ressentis ?
 
Nous sommes là au cœur du sujet. Si nous prenons l’exemple de la satisfaction globale, celle-ci condense l’ensemble des perceptions client et a tendance à moyenner les résultats, d’où cette stabilité souvent chronique que nous constatons.
La moyenne est comme on dit « le moins pire » des indicateurs. Elle écrase ou lisse les variations qui alimentent pourtant la richesse de l’analyse.
 
Il en va de même pour des questions de satisfaction mal formulées ou trop générales. Elles agglomèrent alors des sentiments hétérogènes, qui, une fois encore moyennisent les résultats et les rendent chroniquement stables.
 
Un bon questionnaire aura pour fonction de décrypter ou « décortiquer » la satisfaction globale pour en faire émerger l’ensemble des aspects qui la constituent. Ces aspects sont tout simplement représentés par les questions qu’il faudra poser dans votre enquête.
 
Par analogie et pour revenir à notre « métaphore stellaire », la première version de notre questionnaire était comparable à des jumelles qui ne percevait que quelques étoiles dont la principale est la « satisfaction globale ». Pour voir bouger les résultats (car c’est notre objectif) il va falloir passer au télescope.
 
Avec ce nouvel outil c’est-à-dire ce nouveau questionnaire plus complet et plus efficient, vous verrez apparaitre d’autres étoiles à savoir les autres aspects constitutifs de la satisfaction que vous aviez ignoré jusqu’alors en les regroupant « inconsciemment » dans la satisfaction globale.
 
Votre nouveau questionnaire aura un pouvoir explicatif de la satisfaction globale accru, vous multipliez alors les leviers et maitrisez davantage l’analyse de vos feedbacks.

Tout à l’heure, vous nous disiez que le monde bouge ainsi que les mentalités et les exigences clients. Votre télescope tient-il compte de ces changements ?
 
Pour en tenir compte, il va devoir être adaptatif (comme tous les bons télescopes). Pour rester dans la métaphore de l’optique, en photographie on parle d’autofocus. Les étoiles bougent, elles sont donc bien nettes à un instant donné puis floues si celles-ci changent de position et si nous ne possédons pas d’autofocus.
De la même manière, notre questionnaire va devoir s’adapter régulièrement aux nouvelles caractéristiques sociologiques du marché. Il faudra donc à tout moment être en capacité d’adapter quelques questions ou quelques formulations.

Que préconisez-vous pour rendre plus efficace la première version de notre questionnaire de satisfaction ?
 
Il va falloir s’investir et remettre en question tout ou partie de votre questionnaire. On en revient donc au début de notre entretien, à savoir qu’un questionnaire doit pouvoir évoluer même si celui-ci a des ambitions barométriques.
 
Nous préconisons généralement un travail de fond auprès des collaborateurs et des clients, pour revisiter le questionnaire et évaluer les manques ou les défaillances (reformulation de certaines questions, ajouts ou suppressions d’autres questions etc.)

Quels sont les collaborateurs à consulter prioritairement ?
 
Toute personne en interne dont la fonction a une incidence sur la satisfaction du client. Par conséquent, j’inclus aussi les vendeurs et les responsables magasin dans notre exemple. Ils sont au cœur de l’expérience client, leur ressenti est donc incontournable.
 
Mais au-delà des collaborateurs, il y a aussi les clients qu’il nous faudra bien entendu interroger.
Nous préconisons alors de recruter un échantillon représentatif d’une douzaine de personnes pour des entretiens (en face à face ou par téléphone) qui permettront aux clients de témoigner de leurs expériences lors de séances animées par des psychologues.
Ces spécialistes conduiront chaque entretien durant 45 minutes à 1 heure, et devront interpréter les ressentis et les attentes des clients pour les retranscrire sous la forme d’un questionnaire.

Mais cette approche dite « qualitative » risque d’être lourde et onéreuse vous ne trouvez pas ?
 
J’en suis bien conscient. Pour cela chez HERALIS, dans le cadre de l’élaboration ou d’une refonte d’un questionnaire, nous avons mis en place une approche méthodologie adaptée et rigoureuse, dans l’optique de proposer un budget tout à fait raisonnable.

Y a-t-il d’autres aspects méthodologiques dont nous n’avons pas encore parlé, et qui expliqueraient la stagnation des résultats ?
 
L’analyse des questions ouvertes pose souvent un problème car c’est un travail très chronophage. Des solutions telles que Webfeeling prennent en charge automatiquement l’analyse des verbatims clients souvent plus riche que les analyses statistiques classiques sur la base de questions fermées.
 
Il y a beaucoup à dire sur l’analyse des questions ouvertes. Nous ne pouvons pas parler de tout aujourd’hui. Une seule chose à dire toutefois, je pense que l’analyse des commentaires client est au cœur du sujet.
Je m’explique. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire lors de nos différents entretiens, pour une approche « moderne » du feedback management, il est à mes yeux indispensable de décrypter le discours client à travers l’ajout de questions ouvertes dans un questionnaire de satisfaction.
 
Une bonne analyse des verbatims fera ressortir des nuances dans les ressentis client qu’aucune question fermée ne pourra révéler. De simples KPI comme le CSAT ou le NPS mesurent, comme nous venons de le dire, le niveau de satisfaction (ou de recommandation) sans plus d’explication.
Mais, encore une fois, mesurer n’est pas comprendre. Aujourd’hui les feedbacks client demandent à être interprétés avec rigueur et précision. Seule une parfaite compréhension des feedbacks permettra la mise en place d’axes de progrès qui viendront casser la stabilité chronique des résultats. Et c’est le sujet qui nous intéresse aujourd’hui.

Donc pour vous, pas de bon questionnaire de satisfaction sans la présence de questions ouvertes ?
 
Vous avez tout compris ! Mais une fois les verbatims recueillis, encore faut-il se donner les moyens d’une analyse pertinente.

Avez-vous d’autres éléments à ajouter pour favoriser l’émergence d’évolutions dans les résultats barométriques ?
 
Oui, il nous reste à aborder le choix des échelles de satisfaction. C’est pour moi un aspect déterminant quant à la lisibilité des évolutions des résultats.
 
Autrement dit, je dirais qu’une bonne partie de la stabilité chronique des résultats peut être due au choix inapproprié des échelles de satisfaction.
 
Je m’explique. Pour des raisons d’ergonomie, les questionnaires proposent aujourd’hui souvent des échelles en 4 smileys ou 5 étoiles pour ne prendre que ces deux exemples.
Afin de garantir un volume suffisant de participants à l’enquête, on cherche à optimiser « l’expérience client » durant l’administration du questionnaire (ce qui n’est pas négligeable convenons-en). Hélas, dans certains cas, l’ergonomie prend alors le pas sur la qualité des échelles employées.
Les échelles en 4 smileys ou 5 étoiles sont parfaitement conçues pour une lecture simple et intuitive, une comparaison des résultats possible à l’international, une programmation adéquate en responsive pour les smartphones ou les tablettes. Mais par expérience, leur emploi peut parfois favoriser la stabilité chronique des résultats.
 
Le choix des échelles devra donc être un compromis entre ergonomie et pertinence, les deux n’étant pas (heureusement) systématiquement antinomiques.
 
L’arbitrage entre plusieurs échelles est compliqué et impacte la pertinence des résultats. Nous proposons toujours l’aide d’un expert capable de vous préconiser les échelles de mesure adéquates à votre enquête. Entre les échelles sémantiques et les échelles de notation, elles sont nombreuses et ont chacune leurs spécificités.

Que souhaitez-vous nous dire pour conclure cet entretien ?
 
Contrairement à ce que l’on pense parfois, il n’y a pas de questionnaire « standard ». Pour bien faire il faut du sur mesure !
Par conséquent, s’il y a bien une étape à privilégier dans la mise en place d’un baromètre de satisfaction, c’est la phase d’élaboration du questionnaire. Rien ne sert d’investir dans une solution d’enquête sophistiquée sans un questionnaire efficace, c’est-à-dire en parfaite adéquation avec le parcours d’achat et l’expérience client.
 
Plus un questionnaire est soigné et plus nous nous éloignons des risques d’une stabilité chronique des résultats. Mais attention, comme nous venons de le voir, un questionnaire n’est jamais définitif, à vous de le maintenir à flot.
 
Enfin, pour terminer. Nous avons abordé aujourd’hui le thème du traitement de la stabilité chronique des résultats sous l’angle du questionnaire. Mais il y a un autre aspect que je vous propose de traiter lors d’un autre entretien, c’est le traitement statistique des résultats. Sa qualité est aussi parfois déterminante quant à la l’interprétation des résultats. Les techniques d’analyse multivariée, la construction d’indice synthétiques (satisfaction, fidélité, image) ou certains tests statistiques, peuvent permettre de dégager des évolutions là ou de simples tris ne donnaient rien. Dans ce cas les Instituts d’études conservent une réelle valeur ajoutée.
 
 
Merci Pierre Molina et à bientôt


Pour mieux nous connaitre :

Webfeeling est une solution d’enquête online multicanal. L’innovation est au cœur de notre stratégie.

La solution Webfeeling conçoit votre questionnaire, traite automatiquement les statistiques de l’enquête, édite des infographies et propose des solutions efficaces pour animer les résultats auprès de vos collaborateurs.

Webfeeling analyse en temps réel les commentaires client et propose des approches ultra innovantes de feedback management.

Un grand merci pour votre écoute !

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