Récemment, dans le jargon (rarement poétique) du marketing, est apparu le
mot « phygitalisation ». Ce terme est en fait la contraction de
« physique » et de « digital », et a pour origine la
transformation progressive des points de vente en concept hybride mêlant
à la fois le réel et le digital. Ainsi, parle-t-on aujourd’hui de
parcours d’achat « phygital » (ou stratégie cross-canal) pour
des clients ayant acheté ou repéré un produit sur internet avec une
récupération ou un achat en magasin (click and collecte, web to store),
ou à l’inverse, avec une première étape de repérage produit sur le point
de vente puis un achat sur internet (Showroomer).
Peu à peu la « phygitalisation » s’est étendue au domaine de la
voix du client avec la mise en place de méthodologies de recueil des
feedbacks en « multicanal » sur les points de vente et par la
voie digitale.
Pierre Molina, fondateur de l’Institut d’études HERALIS Marketing et
propriétaire de la solution de feedback management Webfeeling, nous
expose son point de vue sur les méthodes de recueil du feedback client
dans un contexte de « phygitalisation ».
Bonjour Pierre Molina,
Vous êtes fondateur de Webfeeling, solution de feedback management dont
la stratégie de développement repose avant tout sur l’innovation et la
proposition de nouveaux produits d’écoute et d’analyse de l’expérience
client.
Vous souhaitez nous
parler aujourd’hui de phygitalisation de la voix du client. Pouvez-vous
nous définir ce terme et nous décrire les différentes
applications.
Très simplement, on dira que pour qu’il y ait phygitalisation de la voix
du client, il faut un dispositif digital sur un lieu physique (par
exemple un point de vente), qui permet de recueillir les avis client.
Parallèlement à la phygitalisation progressive des parcours d’achat, la
phygitalisation de la voix du client a émergé principalement pour deux
raisons. Tout d’abord, l’avènement des technologies digitales dans les
études et sondages, couplé à la nécessité de recueillir le feedback
client en l’absence notamment des fichiers d’emails ou de numéros de
téléphone. Enfin, parce que dans certains cas, il est intéressant de
recueillir des avis client in situ (sur un point de vente). On parle
alors parfois d’enquêtes non pas à chaud, mais « extrêmement »
à chaud.
Avant d’aborder les
avantages et inconvénients des enquêtes dites « extrêmement » à
chaud, pouvez-vous nous donner quelques exemples de recueil d’avis dans
un contexte de phygitalisation de la voix du client ?
Beaucoup de dispositifs coexistent. Par exemple, les bornes d’accueil
classiques équipées de tablettes, ou les bornes smileys (les petites
consoles avec trois ou quatre smileys) pour exprimer rapidement sa
satisfaction. On peut aussi trouver parfois des QR codes sur les tickets
de caisse ou des affichettes. Notre solution Webfeeling propose des
solutions alternatives et exclusives de phygitalisation, je pense
notamment aux portails satisfaitounon.com et jedonnemonopinion.com ou au
dispositif SatiTab©.
Pouvez-vous nous
décrire les forces et faiblesses de ces dispositifs ?
Si vous le voulez bien, prenons-les dans l’ordre de citation.
Tout d’abord les bornes d’accueil classiques qui proposent un
questionnaire de satisfaction sur une tablette. Elles ne sont hélas pas
toujours très efficaces. Je m’explique… Tout d’abord, placer une borne
sur un lieu de vente, c’est s’engager (par expérience) dans de la
maintenance d’un dispositif parfois fragile. C’est ensuite parier sur une
forte proactivité des clients passant devant la borne. Répondre à un
questionnaire de satisfaction in situ demande au client du temps qu’il ne
souhaite pas toujours prendre. Impossible dans ces conditions d’obtenir
des taux de retour significatifs. Bien sûr, la performance du dispositif
sera fonction du contexte (type de point de vente, importance du passage
devant la borne, performance et intérêt du questionnaire ou type de borne
employé).
A mon avis, les bornes proposant uniquement une échelle de satisfaction
de 4 smileys (pas du tout, peu, assez, très satisfait) sont mieux
adaptées. Bien disposées (par exemple lors du passage en caisse ou
parfois à la sortie de toilettes publiques), elles sont alors souvent
sollicitées car il suffit d’appuyer sur l’une des figurines pour exprimer
en un instant son niveau de satisfaction. Mais à mes yeux, ces bornes
posent un problème en termes de richesse d’analyse des résultats. Car en
effet, un simple taux de satisfaction est souvent assez pauvre,
particulièrement quand il mesure une prestation complexe, et la visite
d’un point de vente en est une. Souvent, pour pallier à cette faiblesse,
le dispositif recentre la satisfaction sur une seule question (ambiance
dans le magasin, propreté des locaux etc.). Enfin, pour ce dispositif,
aucun commentaire client n’est possible.
Vous nous parliez aussi
des QR codes, qu’en pensez-vous ?
Le principe est très simple, pour accéder au questionnaire, vous scannez
le QR code avec votre smartphone. C’est l’une des méthodologies les moins
chères. En contrepartie, le taux de retour est souvent faible voir très
faible. Les QR codes peuvent être apposés un peu partout, par exemple sur
une affichette, un ticket de caisse ou un emballage. L’utilisation des QR
codes pour les enquêtes de satisfaction est variable suivant les pays. En
France, il est très faible. C’est donc, de mon point de vue, avant tout,
un dispositif pour communiquer à la clientèle une démarche d’écoute de la
marque, mais aucunement une solution fiable quant à l’obtention de
résultats statistiques robustes et exploitables car le volume d’enquêtes
n’y est pas.
Vous nous parliez
de dispositifs propres à votre solution Webfeeling ?
Nous proposons en effet des solutions alternatives avec deux portails
internet satisfaitounon.com et jedonnemonopinion.com.
De par leurs noms, ils sont très simples à communiquer. Pour le premier,
il est clair que le client sera clairement dans l’attente d’un
questionnaire de satisfaction. Pour le second, le contexte est un peu
différent. L’opinion est une notion plus large que la simple
satisfaction. Nos clients qui se servent de ces portails n’ont pas tous
la même approche. Par exemple, le secteur de la presse utilise
jedonnemonopinion.com, alors que les réseaux de points de vente
utiliseront satisfaitounon.com.
L’efficacité des deux portails repose sur la puissance évocatrice des
deux noms. Pour s’y rendre, rien de plus simple. Le référencement Google
positionne les deux portails en première ligne et première page. Donc
aucun souci pour les trouver.
Pour répondre à votre enquête, le principe est très simple. Vous donnez
un nom à votre sondage et communiquez ce nom à vos clients. Par
exemple : « Rendez-vous sur SatisfaitOuNon.com et tapez le code
« nom de votre enseigne ». Ce code, c’est vous qui le donnez.
Votre communication est donc totalement libre. Vous pouvez communiquer le
dispositif à vos seuls clients ou à l’ensemble des visiteurs présents sur
le point de vente. A vous de trouver une accroche pour optimiser les
retours. La méthode est identique pour le portail
jedonnemonopinion.com.
Ces portails
remplacent donc les QR codes ?
Pourquoi pas ! Ils peuvent aussi remplacer les questionnaires
papiers.
Via Google ou un autre moteur de recherche, n’importe quel possesseur de
smartphone (PC ou tablette) peut se rendre sur ces portails en un
instant. Pas besoin de télécharger sur les stores une appli spécifique
pour répondre à l’enquête. La technologie est basique, c’est ce qui fait
la force du dispositif.
Ces portails ainsi que les questionnaires sont totalement adaptés pour
une ergonomie parfaite sur un téléphone.
Qu’en est-il du
taux de feedback sur ces deux portails ?
Il n’est pas question de le comparer à un emailing bien entendu, mais il
est plus élevé qu’un QR code, et le dispositif est nettement moins
onéreux qu’une borne d’accueil.
Le volume de feedback est aussi très dépendant de la manière de
communiquer sur ces portails (mode et lieu d’affichage, type de point de
vente…). Bref, nous vous aidons à réfléchir sur la stratégie de
communication pour optimiser le taux de retour.
Pouvez-vous nous
expliquer en quoi consiste votre solution de recueil d’enquêtes
SatiTab© ?
C’est le dernier né de nos dispositifs phygitaux.
SatiTab© est un portail Internet 100% responsive. On le trouve à
l’adresse satitab.com.
Le principe est très simple. La marque inscrit sur le portail satitab.com
son mot de passe pour accéder à son administrateur. Celui-ci propose
alors tout simplement d’entrer l’adresse email d’un client puis de
cliquer sur le bouton « Envoi ».
Instantanément le client reçoit le questionnaire sur son smartphone. Le
dispositif peut aussi fonctionner par SMS.
Si je comprends bien, il
faut donc être proactif pour se servir de SatiTab© ?
Effectivement, pour optimiser le taux de feedback c’est préférable. La
proposition de recevoir un questionnaire peut se faire par exemple lors
du passage en caisse. Mais SatiTab© est un dispositif ouvert, à vous
d’imaginer la façon optimale de l’employer.
Quelle-est pour vous la
principale différence entre vos portails et SatiTab© ?
Avec les portails satisfaitounon.com ou jedonnemonopinion.com nous sommes
plutôt dans une optique de remplissage du questionnaire in situ. Alors
qu’avec la solution SatiTab© le client reçoit le questionnaire par mail
(ou SMS), il peut donc le compléter plus tard, par exemple chez lui après
une bonne journée de shopping ! Mais encore une fois, l’utilisateur
est libre dans la manière d’employer ces dispositifs.
Une fois les
questionnaires recueillis et quel que soit le dispositif choisi, comment
sont analysés les résultats ?
Les questionnaires sont hébergés sur la plateforme
Webfeeling où vous pourrez éditer toutes
sortes de résultats, de graphiques ou de tableaux de bord.
Parlons maintenant
des avantages et inconvénients de ces dispositifs ?
Tout d’abord les avantages si vous le voulez-bien. De prime à bord, j’en
distingue deux majeurs : En premier lieu, pouvoir interroger des
visiteurs absents du fichier de la marque (généralement le fichier issu
des cartes de fidélisation). Ces visiteurs peuvent être des clients
acheteurs ou non acheteurs lors du passage en magasin.
En second lieu, profiter de ces enquêtes pour manager positivement les
équipes responsables du point de vente.
Je vous propose de revenir sur ces deux points. Mais tout d’abord, il
faut expliquer la différence entre les enquêtes à chaud et les enquêtes
« extrêmement » à chaud.
Comme leurs noms l’indiquent, il s’agit tout simplement du délai entre
l’évènement et le recueil de l’avis client. Généralement, notamment pour
les enquêtes dites à chaud, ce délai est compris entre un jour et une
semaine. A mes yeux, au-delà de quelques jours on se dirige peu à peu
vers de l’enquête à froid. Pour le client, le souvenir remplace peu à peu
les impressions spontanées.
Ce que nous recueillons dans les enquêtes dites « extrêmement »
à chaud, c’est véritablement de l’impression spontanée du client, lors de
l’évènement.
Nous sommes donc ici dans du témoignage permettant la construction
d’indicateurs spécifiques à ces enquêtes et à mes yeux non agrégeables à
une base d’enquêtes à chaud (à fortiori à un baromètre de satisfaction à
froid).
Pourquoi ne peut-on pas
les agréger avec les résultats d’une enquête à chaud ?
Parce que les conditions dans lesquelles ont été recueillis ces
témoignages sont très différents.
Dans une enquête extrêmement à chaud, l’immédiateté de l’évènement peut
potentiellement exacerber les ressentis des clients.
A l’inverse, avec le temps, une insatisfaction lors du passage en magasin
s’estompe peu à peu. La force de l’image de la marque fait alors son
travail de résilience en modérant la perception du client.
Ce qu’il faut retenir, c’est que la proximité de l’évènement lors d’un
sondage, est de nature à modifier sensiblement les indicateurs (KPI)
mesurant la satisfaction client.
Revenons aux avantages
des dispositifs d’enquêtes sur les points de vente. Vous nous parliez de
pouvoir interroger des visiteurs absents du fichier de la marque.
Pouvez-vous nous en dire plus ?
Effectivement. Généralement les enquêtes à chaud demandent à disposer des
adresses email des clients. Hormis SatiTab©, les dispositifs que nous
venons de décrire se passent de toute donnée personnelle (email,
téléphone etc.).
Parce qu’ils ne sont pas dépendants des fichiers client, ces dispositifs
permettent d’interroger (si nous restons dans l’univers des réseaux de
points de vente) tous types de visiteurs, acheteurs ou non. On élargit
alors sérieusement le spectre des cibles interrogées.
Il est toujours intéressant de recueillir le feedback des visiteurs non
acheteurs. Car, ne nous y trompons pas, une enquête à chaud envoyée aux
clients possesseurs d’une carte de fidélité, est par construction biaisée
et peut parfois tirer la satisfaction globale vers le haut. A fortiori
quand cette enquête est envoyée systématiquement après un achat.
A l’inverse, interroger des non acheteurs peut aboutir à une satisfaction
moyenne plus basse. Réaliser les deux types d’enquête peut donc être
intéressant.
Le second aspect que je souhaitais souligner, est de profiter de ces
enquêtes pour manager positivement les équipes responsables des points de
vente. En effet, le pilotage de ces enquêtes en local stimule les
opérationnels. Ces derniers peuvent se fixer des objectifs qualité et
rechercher des axes de progression.
Qu’en est-il des
difficultés inhérentes à ces dispositifs ?
Les difficultés sont liées notamment aux contrôles méthodologiques du
recueil. En d’autres termes, qui interroge qui ? Comment s’assurer
que l’échantillon interrogé est représentatif de la clientèle
locale ? Sans contrôle, des biais peuvent apparaitre et discréditer
les résultats. De plus, la collecte des questionnaires sur les points de
vente est généralement supervisée par le personnel lui-même.
En étant juge et partie, l’équipe locale a parfois tendance à vouloir
sonder de préférence des clients satisfaits (ou, pour le dire autrement,
d’éviter de proposer le questionnaire à un client de toute évidence très
insatisfait).
A vous écouter, on n’a
pas très envie de se lancer ?!
Pourtant, si l’enquête est menée avec sérieux, il est intéressant de le
faire car ces études apportent une culture locale de l’écoute client.
Ces enquêtes permettent de manager la qualité de manière très concrète
auprès du personnel en contact avec la clientèle. Par exemple, l’équipe
pourra fixer des objectifs qualité en étroite relation avec les
contraintes locales.
Ce rapport direct entre les avis client et la réalité immédiate du
terrain rend les résultats toujours plus parlants. Des axes de progrès
très opérationnels seront mis en place sur la base des commentaires
client collectés le jour même.
Enfin, ces résultats viennent compléter et enrichir la connaissance
client au niveau du siège de la marque.
Toutefois attention, de mon point de vue, les enquêtes « extrêmement
à chaud » ne doivent pas être comparées aux autres études menées par
la Direction. A chacun son enquête et ses objectifs. C’est l’affaire des
managers des points de vente.
Pour s’assurer qu’il n’y ait aucune dérive méthodologique, un œil
bienveillant de la direction marketing sera conservé sur ces enquêtes
locales.
Les résultats d’un bon travail en local seront en principe rapidement
visibles sur les enquêtes élaborées par le siège.
Souhaitez-vous conclure
cet entretien ?
Eh bien je dirais que par l’intermédiaire des enquêtes dites extrêmement
à chaud, la phygitalisation de la voix du client propose des outils
méthodologiques qui peuvent trouver leur place dans le processus global
d’écoute client d’une marque. Une synergie apparait alors entre la
Direction du réseau de points de vente et les équipes locales.
Merci Pierre
MOLINA